Auteur : Jean Anouilh
Éditeur : La Table Ronde
Collection : La petite Vermillon
Prix : 5,90 €
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Quel beau texte que nous dévoile Jean Anouilh ! En
s’inspirant de l’Antigone de Sophocle, texte incontournable de la mythologie
grecque, que Anouilh dit avoir : « L'Antigone de Sophocle, lue et relue,
et que je connaissais par cœur depuis toujours, a été un choc soudain pour moi
pendant la guerre, le jour des petites affiches rouges. Je l'ai réécrite à ma
façon, avec la résonance de la tragédie que nous étions alors en train de vivre
». Dans un contexte de Seconde guerre mondiale, en 1942, lorsque Anouilh écrit
Antigone, il va lui apporter de la modernité, en s’appuyant sur des sujets
forts de cette ère-là, la politique et le pouvoir, le destin et la liberté…
Cette pièce en un acte fut représentée pour la première fois au théâtre de
l’Atelier en février 1944, par conséquent, pendant l’occupation allemande,
comme quoi, le théâtre rassemble les hommes, la pièce figurera dans les
Nouvelles pièces Noires.
Cette tragédie en prose est composée d’un seul acte, on
compte principalement 4 personnages principaux :
- Antigone, l’orgueilleuse fille d’Œdipe et de Jocaste, sœur d’Étéocle, Polynice et Ismène, nous la retrouvons passionnée, tellement passionnée qu’elle en devient neutre.
- Créon, frère de Jocaste, roi légitime de Thèbes, homme solitaire, peut-être rongé par le pouvoir qui est le sien…
- Hémon, fils du roi, et d’Eurydice, fou amoureux et mari d’Antigone, tellement fou amoureux et dépendant d’elle qu’il se joindra à la mort d’Antigone sous les ordres de son père en se suicidant…
- Ismène, la représentation naturelle de la belle et charmante femme, peu courageuse, contrairement à sa sœur Antigone, elle attire les regards de tout homme par sa beauté.
Excepté c’est quatre personnages principales, nous avons
également des personnages secondaires qui contribuent plus ou moins à l’avancée
de la pièce, comme la nourrice d’Ismène et d’Antigone, le prologue qui jouera
un rôle important dans la pièce puisqu’il remémorera la légende de Thèbes et
présentera tous les personnages de la pièce au début de celle-ci, Eurydice la
femme de Créon que nous apercevons peu, âme charitable elle tricote des
vêtements pour les pauvres, en apprenant la mort de son fils Hémon, elle se
suicidera à la fin de la pièce, ou encore le messager, le page du roi, ou les
trois gardes, qui sont chargés de veiller sur le corps de Polynice, et qui
arrêteront Antigone, qui voulait recouvrir celui-ci malgré les ordres du roi
qui lui en empêchait.
Il est sûr que la pièce d’Anouilh ne change pas entièrement
de celle du grand Sophocle écrite cependant vers 441 avant J-C, mais cependant
les époques différentes marques tout de même deux styles différents, Anouilh
envisage Créon en homme libre et réfléchi, tandis que Sophocle le voyait plutôt
comme un dictateur, cela se remarque encore d’avantage par la tenue des gardes
qui portent une oreillette et qui mâche volontairement un chewing-gum(dans la représentation mise en scène par N. Biançon en 2003, lien youtube en fin d'article).
Il
existe bien des adaptations différentes de la mythologie grecque mais
aujourd’hui c’est bien celle d’Anouilh dont je viens vous parler.
La pièce commence donc, comme cité précédemment par la
présence et le monologue du prologue présent sur scène avec tous les
personnages, celui-ci va présenter les personnages ainsi que rappeler le mythe
et la légende de Thèbes.
Résumé:
Un beau jour, Antigone revient d’une
escapade nocturne à son domicile, sa nourrice l’ayant attendu des heures après
avoir retrouvé son lit défait, la questionne rapidement sur ses actes, Antigone
ne dira rien sur son escapade elle répondra aux questions de sa bonne nourrice qui
s’inquiète pour son bien mystérieusement. A elle se joint Ismène, Antigone fera
donc sortir la nounou afin de se confronter avec Ismène sur l’ordre que Créon à
donner, c’est-à-dire de ne pas ensevelir le corps de Polynice. Antigone,
courageuse et femme à conviction, elle veut que son frère soit enterré, mais
Ismène peureuse et prudente pour ne pas dire pas courageuse veut rester sage et
obéir aux ordres de Créon…
Antigone se retrouvera à nouveau
seule avec la nourrice, consciente de ses vraies actes, elle envisage la vie
sans elle…et confie indirectement ses peurs à la nourrice qui elle la sert fort
contre elle et la rassure.
Par la suite nous avons une
terrible scène d’amour, avec un amour fort, tellement fort… Cette scène entre
Hémon et Antigone est d’une puissance absolue, Antigone demande à Hémon de lui
pardonner une dispute, Hémon amoureux, pardonne évidemment, il se retrouve donc
tout-deux amoureux et heureux, cependant Antigone, sachant ce qui lui attend,
avoue à Hémon qu’elle ne pourra jamais l’épouser, celui-ci se vexe et prend cela
pour un refus…
La scène se poursuit avec le
retour d’Ismène qui revient plaider pour défendre les ordres de Créon auprès de
sa sœur, Ismène joue sur les sentiments d’Antigone en lui disant que Polynice,
l’homme dont il est question ne l’aimait pas et qu’elle ne devait donc pas
risquer sa vie aujourd’hui pour le défendre…Mais Antigone finira par lui avouer
que tout est trop tard, que sa balade nocturne n’était pas une balade nocturne,
et qu’en réalité qu’elle venait tant bien que mal d’enterrer son frère.
Aussitôt nous rencontrons Jonas,
un garde chargé de surveiller le corps de Polynice, celui-ci vient retrouver
Créon afin de lui charger que les trois gardes chargés du corps n’ont pas
réussi à respecter l’ordre de Polynice, et que le corps avait été recouvert de
terre. Le roi veut absolument garder secret cet évènement.
C’est avec l’entrée du chœur que
la première partie de la pièce se termine celui-ci vient commenter les
événements de manière ironique et promulgue les astuces de la tragédie.
La deuxième partie commence très
brutalement, en effet Antigone est trainée par les gardes que la mène depuis le
cadavre de Polynice, Antigone qui souhaite moins de brutalité se justifie comme
étant la fille d’Œdipe et la nièce du roi, Créon mais ils ne la croient pas,
ils la considèrent comme une bête qui viennent tout juste de capturer et qui
leur vaudra une grosse récompense. Les gardes mènent donc Antigone à Créon,
celui-ci fait le sourd, il ne souhaite pas y croire, il interroge don aussitôt
sa nièce sur ses attentes et sur ses actes, par peur que le scandale se propage
sur Thèbes il fait mettre les gardes au secret.
Dès lors commence un long
affrontement et débat entre Antigone et Créon, ceux-là sont seuls sur scène,
Créon souhaite le silence d’Antigone afin de ne pas faire savoir ses actes et
par conséquent de ne pas la faire mourir, cependant comme le dit Créon,
Antigone est orgueilleuse et elle se débat à merveille, Créon tente donc
premièrement à la dominer par son autorité afin de la ramener à la raison, il
se justifie en tant que roi et homme de pouvoir et non en tant qu’humain, ce
qui déplaît fort à Antigone, qui semble indifférente. Créon change donc de
stratégie et révèle donc les véritables visages de voyou que sont les deux
frères d’Antigone, Étéocle et Polynice, Antigone est dès lors touchée, elle se
dirige vers la porte afin d’écouter son oncle, cependant Créon va commettre une
terrible erreur, en évoquant le mot « bonheur » qu’Antigone,
pardonnée de ses actes pourra à présent vivre avec Hémon, Antigone apeurée se
rebelle et rejette le bonheur, elle devient donc à nouveau une révoltée ayant
pour objectif la mort.
Antigone sort donc de la pièce
afin de crier au peuple ses péchés mais elle se fait rattraper par la venue d’Ismène
qui rejoint sa sœur dans sa démarche en souhaitant mourir avec elle, mais
Antigone refuse et cite que s’est-elle qui a pris le risque et qu’en rien sa sœur,
peu courageuse ne devait être mêlée à cela. Créon appelle donc aussitôt le
garde qui mènera Antigone sur le chemin de la mort…celle-ci est comme soulagée,
ses cris le laissent paraître, elle cite « Enfin Créon ! »
Le chœur entre désormais en
scène, scène qui comporte les personnages, personnages déraisonnés, se
bousculant, à travers ceux-là, le chœur souhaite convaincre Créon de ne pas
mener Antigone à la condamnation mortelle, mais celui-là refuse en prétextant
qu’Antigone a choisi de mourir, que son destin l’a rattrapé. Créon est aussitôt
rejoint par Hémon, celui-ci, amoureux d’Antigone, ressent une terrible douleur,
il supplie son père de ne pas condamner Antigone, mais celui-là refuse, il s’enfuit
donc pour rejoindre Antigone.
La scène qui suit est très
touchante et très calme, nous retrouvons Antigone seule avec le garde, « le
dernier visage d’homme » qu’elle verra, Antigone souhaite lui parler,
souhaite du réconfort, mais celui-là ne pense qu’à lui et offre à Antigone qu’une
discussion de grade et de promotion qu’il a pu avoir. Mais Antigone est perdue,
peut-être regrette-t-elle, ses doutes sont forts sur la raison de sa mort, elle
dit ne plus savoir pourquoi elle meurt, elle demande dès lors d’écrire une
lettre, elle va ainsi la dicter au garde, dans celle-ci elle délivrera ces derniers
sentiments pour Hémon, celui-ci très lent, mène Antigone à renoncer car elle
souhaite que personne ne sache. La scène se termine ainsi et nous quittons
Antigone pour retrouver le messager qui retrouve Créon afin de lui annoncer à
lui et au spectateur la mort d’Antigone et d’Hémon, il annonce ensuite le
suicide d’Eurydice la femme de Créon, suicide de peine et d’amour pour avoir
perdu son fils…Créon avale ses annonces avec un calme absolu, et décide de
poursuivre son règne sur la vie de Thèbes normalement, il sort par la suite de
la scène.
Une fois tous les personnages
sortis, le chœur est seul avec le public, et aborde en s’adressant au public la
mort des personnages, d’une façon ironique il critique les personnages, en
disant qu’il ne reste que Créon, seul avec ses gardes…
C’est donc une terrible tragédie
que nous avons là, si forte autant sur la question des sentiments que sur la
question du pouvoir ou encore sur la question du destin… et elle mène également
à se poser de vraies questions concernant notre destin, existe-il vraiment ?
Le pouvoir peut-il être bousculé par des sentiments, par des liens personnels ?
Nous pouvons attirer nos regards sur le débat entre Antigone et Créon qui est
juste fantastique et où nous retrouvons vraiment les personnages dans leur plus
sincère honnêteté. Nous pouvons également nous interroger sur le chœur qui est
en réalité sait tout, et qui est une vraie âme pour la pièce. C’est une
fabuleuse pièce qu’Anouilh a su adapter à son époque, période de guerre et de soucis…
- Lien de la représentation d'Antigone de Jean Anouilh mise en scène par N. Biançon en 2003 :
https://www.youtube.com/watch?v=5_sO75wwZ1g
Jean Anouilh. |
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