mercredi 10 février 2016

La Vie devant soi, Romain Gary (Émile Ajar)

Auteur : Romain Gary ( Émile Ajar).
Editeur : Gallimard
Collection : Folio
Prix : 7.70€


En 1975, sous le pseudo d'Émile Ajar, Romain Gary publié La Vie devant soi. Un roman contemporain très proche du réalisme et du naturalisme qui recevra la même le prix Goncourt. Son auteur, fit par ailleurs le seul à recevoir deux prix Goncourt, le premier étant discerné à son œuvre : Les Racines du Ciel en 1956.
 Un roman très touchant, léger, plein d'émotion, de bons sentiments, d'amour et de petits sourires.
Il est bon de savoir que ce roman apparaît dans le film Mommy de Xavier Dolan, en effet, il est le premier livre que Steve, le personnage principal du film, atteint d’hyperactivité, arrive à lire jusqu'à la fin.



 Nous allons suivre l'histoire de Mohamed, enfant musulman de dix ans, qui découvrira qu'il en a quatorze en réalité, au fil de l'histoire. Ce dernier est plein de sagesse, d'innocence et d'une certaine maturité, il vit avec Madame Rosa et d'autres enfants de prostituées.
Dès l'incipit nous comprenons les conditions. Nous nous trouvons à Belleville, dans l'immeuble qu'habitent Momo et Madame Rosa, plus précisément au sixième étage. Bien entendu l'action ne se déroulera pas seulement dans cet appartement, nous allons suivre Momo qui est le narrateur de ce roman. La première phrase du texte fait déjà référence au fameux escalier si difficile à monter.  En effet, Madame Rosa est une femme âgée d'environ soixante dix ans et très costaude, ainsi il lui est très compliqué de parcourir ces six étages. Nous retrouvons cette difficulté plusieurs fois dans le texte.
Au fil de l'histoire nous apprenons que Momo loge depuis son plus jeune âge chez Madame Rosa qui l'a recueillie, sa mère est morte, et son père est à l’hôpital. Madame Rosa, juive et déportée, était prostituée, "elle défendait son cul" lorsqu'elle était encore jeune et "belle"... Après cela, avec la vieillesse elle nous est décrite comme très grosse et très laide.
Tout au long de l'histoire nous rencontrons différents protagonistes, tels que Monsieur Hamil qui sera la source du savoir de Momo. Mais également Madame Lola, un travesti, très bonne amie de Madame Rosa. Moïse, le camarade de Momo qui vit également chez Madame Rosa.
Au fil des pages, le temps passe, nous découvrons comment les prostituées gèrent leurs enfants, les conditions de vie de ces enfants, ce qu'ils se passent dans la tête de ces enfants, mais surtout nous ressentons à quel point leurs cœurs sont immenses !
Momo murit, effectivement, au début de l'histoire, nous ressentons bien que ses idées ne sont pas très claires, qu'ils s’emmêlent, mais on le voit grandir et devenir un homme. Parallèlement Madame Rosa vieillit ... Celle-ci, malade attendra la mort chez elle et refusera avec acharnement de se rendre à l’hôpital, elle ne veut pas devenir un "légume" que l'on force à vivre. Elle sera accompagnée de Momo qui l'accompagnera jusqu'au bout avec une fidélité, une amitié et une gentillesse incroyable. La relation entre ces deux personnages est si forte qu'elle nous touche réellement.

La Vie devant soi est un roman d'une immense singularité. Par le fait que le narrateur, protagoniste principal, soit un enfant, le lecteur est pris de sympathie et d'attachement. Lorsque nous lisons les premières pages du roman, nous sommes d'abord pris par un étonnement concernant les certaines fautes d'expressions du petit...et puis par l'attachement nous nous y habituons jusqu'à en sourire.
Toutefois, l’innocence de cet enfant ne cache pas sa maturité. On comprend que la vie de Momo n'est pas bonheur suprême, mais que celle-ci est plutôt sombre, voire triste, on y rencontre la souffrance, la plainte, les pleurs, les tristesses, les privations, de ce jeune homme. Momo grandira en apprenant plus vite sur la vie qu'il ne le faut pour son âge, il dira regretter l'âge d'avant ces trois ou quatre ans où il a cessé d'ignorer. Cela démontre que la connaissance de la vie et la perte d'ignorance et d'innocence apportent une certaine connaissance de la souffrance et du malheur.

En outre, par le personnage de Madame Rosa, nous rencontrons, non l'enfance, mais la vieillesse, ce qui forme un contraste. La vieillesse paraît violemment dans ce roman. Premièrement par Madame Rosa, puis par Monsieur Hamil. Le roman est rythmé par la mort qui pourrait signifier l'aboutissement de la vieillesse.

Mais parmi ces sujets de la vie abordés dans le roman. Le principal et le plus touchant reste : l'amour. Momo a une question omniprésente : "Est-ce qu'on peut vivre sans amour?". La relation entre Madame Rosa et Momo est pleine d'amour, jusqu'à la fin. Ce roman lui-même, nous offre de l'amour.

Le film a fait objet de plusieurs représentations,
D'abord au cinéma, par Moshé Mizrahi, en 1977. Puis, au théâtre en 2008, par Xavier Jaillard, cette pièce de théâtre se verra récompenser de plusieurs Molière,et d'un Globe de Cristal pour la meilleure production de spectacle privé produit par François de Carsalade du Pont.
Et pour finir, il sera adapté à la télévision, dans un téléfilm éponyme, par Myriam Boyer, en 2010.





samedi 30 janvier 2016

Lettres de femmes, d'Augusto Zanovello


Je reviens aujourd'hui avec un court métrage d'animation français. Réalisé par Augusto Zanovello, diplômé dans la section cinéma à l'École nationale supérieure Louis Lumière. 
Lettres de femmes est sorti en 2013, son réalisateur dans une interview que vous pouvez retrouver en bas de page, témoigne de la naissance de ce court métrage : 
"Tout a commencé par la rencontre avec Arnaud Béchet, un sculpteur qui travaille pour la pub et qui fait des illustrations en volume. Je suis allé chez lui, et j'ai vu un poilu d'un mètre de hauteur, tout en carton, un peu langoureux, penché sur son fusil. Il était mi-homme, mi-boue. J'ai trouvé ça sublime."

On comprend dès lors de quel sujet traite le film. Nous sommes sur le front, en compagnie des poilues de la Grande Guerre, la Première Guerre mondiale. Nous vivons l'histoire de ce court métrage avec l'infirmier, Simon. Celui-ci, ne guérit pas les gueules cassés typiquement. En effet, les seuls moyens que Simon possède sont les lettres d'amours des femmes des soldats. Ces lettres ont une sorte de pouvoir de guérison, l'infirmier pose une lettre sur une plaie, et la plaie se referme. Quant à Simon, ce dernier est indéchirable car il a en mémoire sa marraine de guerre, qui occupe toutes ses pensées et qui lui donne la force de se battre.

Les personnages de ce film sont tous des marionnettes de cartons et de papiers, le papier prend donc une importance principale. Premièrement car ces soldats en sont principalement composés, mais également car les lettres faites de papiers sont le médicament des douleurs. 

Ce court-métrage est fort original car le matériel  prend une tout autre dimension. Les lettres de femmes de poilus pleines d'amour et de tendresse signent comme une sorte de pansement, leurs morts soignent les blessures.  Ces lettres perdent tout leur intérêt premier, soit être lues, pour devenir un vrai médicament contre la douleur, c'est l'amour qui se trouve dans ces lettres qui soignent les douleurs.

Ce court métrage de onze minutes est très intéressant et touchant, nous découvrons dans une atmosphère orageuse et dans un environnement hostile, la nécessité de l'amour pour guérir les maux.

Liens en relation : 
  • Discours du réalisateur à propos de son court-métrage : https://vimeo.com/127648615
  • Bande d'annonce : http://www.dailymotion.com/video/x2jvfek_lettres-de-femmes-bande-annonce_school


dimanche 24 janvier 2016

Eldorado de Laurent Gaudé.

Auteur : Laurent Gaudé
Éditeur : J’ai lu
Collection : J’ai lu Roman
Prix : 6.10 €



Une surprise poignante. Je n'aurais jamais imaginé être tant troublée par ce livre et pourtant ce fut bien le cas. En effet avec Eldorado, Laurent Gaudé a fait preuve de son génie. Paru le dix-huit aout deux mille six, ce roman est époustouflant. 

Celui-ci à travers les différents sujets qu'ils traitent et au auxquels nous reviendront, laisse place à l'humanité toute entière, selon des points de vue différent, et Dieu que c'est bon de lire de l'humanité.




 
Laurent Gaudé écrit avec un style simple, sensible et captivant, effectivement nous ne pouvons poser le livre sans l'avoir fini. Dans un registre réaliste, voire tragique nous sommes accrochés à ces destins humains. C'est une sorte de tragédie dramatique et cruelle mais à la fois si belle, et si bien racontée. Nous n'avons pas forcément la larme qui coule, certes, mais nous sommes touchés. Un coup dans le ventre qui nous fait réfléchir sur ce que nous avons et ce que nous sommes en tant qu'occidentaux, bien entendu je parle en mon nom. 

Dans ce roman, l'auteur aborde des sujets forts et d'autant plus dans notre ère, tout en utilisant la fiction d'une histoire, il décrit la réalité. Une réalité bien trop grave et encore beaucoup trop présente de nos jours. 
Comme je le disais, Laurent Gaudé dénonce et décrit des sujets d'actualités tout-en en abordant d'autres, le sujet principal est l'immigration clandestine, de là il aborde des sous-thèmes se mettant dans la peau d'une femme immigrante voulant venger son enfant pris par la mort durant la terrible traversée ... la séparation de deux frères et le sacrifice, l'homme qui cherche à se racheter d'avoir été que spectateur de ce désastre sans y avoir réagi... En soi, le roman aborde la tragédie humaine de devoir tout laisser derrière soi pour un soi-disant plus bel avenir. De devoir laisser son identité, sa famille, sa culture, son propre nom, ses racines, dans l'espoir de bâtir un avenir meilleur au prix de sa culture et de ce que nous avions toujours été. De trouver son Eldorado.

Le livre se compose de deux cent dix-neuf pages, regroupées en treize chapitres. Chaque chapitre concerne l'un des personnages principaux, nous suivons donc deux histoires parallèlement, d'un chapitre à l'autre. Faudrait-il que vous connaissiez les deux histoires dont je parle.

Avant toute chose, il est nécessaire de comprendre ce titre. L'Eldorado. Dans la réalité, l'Eldorado est une contrée mythique d'Amérique du Sud. Cette dernière est supposée d'après le mythe, regorger d'or. On découvre dans le roman de Laurent Gaudé, l'Eldorado au chapitre numéro cinq nommé : "Le cimetière de Lampedusa" où Salvator Piracci, un des personnages principaux de l'histoire vient se recueillir et réfléchir devant les tombes des migrants. Dans ce cimetière, il fit la rencontre d'un homme sortant de nulle part, celui-ci lui donnera la définition de l'Eldorado : "L'herbe sera grasse, dit-il, et les arbres chargés de fruits. De l'or coulera au fond des ruisseaux, et des carrières remplies de diamants a ciel ouvert réverbéreront les rayons du soleil. Les forêts frémiront de gibier et les lacs seront poissonneux. Tout sera doux là-bas. Et la vie passera comme une caresse". Cette définition nous fait penser à une sorte de jardin d'Eden à une sorte de paradis. On peut dire que l'Eldorado est la recherche de l'idéal unique à chaque homme. "La vie heureuse", le rêve que chaque homme fait, s'être trouvé pleinement dans un milieu qui lui convient. On pourra en déduire que tous les personnages de ce livre sont à la recherche de leur Eldorado. Cependant, l'Eldorado n'est qu'un mythe, alors peut-être que la recherche du bonheur n'est qu'illusion.

Il me semble d'abord important de décrire les personnages avant de faire un résumé du livre, car chaque personnage porte en lui une histoire, une identité qu'il perdra parfois, un destin unique et atypique.

  • Nous rencontrons premièrement le commandant Salvator Piracci, cet homme est âgé d'environ quarante ans et est en parfaite santé. Il est garde-côte depuis vingt ans aux larges des côtes italiennes. C'est un homme solitaire, divorcé depuis quatre ans et sans enfant, on peut supposer que son seul ami est Angelo. Je le vois comme un gaillard contrôlant beaucoup ses émotions. Salvator Piracci semble se chercher, au fil de l'histoire on remarque qu'il ne possède plus beaucoup de conviction et enthousiasme envers son métier. Il deviendra au fur et à mesure un être différent, donnant un sens nouveau à son existence et à ce pour quoi il vit. Piracci intercepte également des embarcations d'émigrés clandestins.
  • Il s'ensuit justement d'Angelo, un vieil homme qui est je pense, le meilleur ami du commandant Salvator Piracci puisqu'il est toujours à l'écoute de ce dernier. Angelo était autrefois constructeur de route pour tout quitter et devenir vendeur de journaux.
  • Nous retrouvons par la suite la "Femme du Vittoria. 2004". C'est une femme très agréable à regarder, très courageuse et déterminée. Elle est une émigrée turque, venue en Italie pour trouver les moyens de venger son fils et en quelque sorte de trouver ce qu'on pourrait nommer "son Eldorado". Son fils, bébé, a été pris par la mort dans le bateau emmenant les émigrés jusqu'en Italie. Ainsi, cette femme a la grande détermination de tuer l'homme qui a fait perdre la vie à son fils, et qui est donc responsable de son malheur. 
  •  Nous rencontrons ensuite Soleiman. Soleiman est un jeune homme très attachant, plein d'ambition et d'humanité. Celui-ci rêve de quitter son pays afin d'aller en Europe. Son principal objectif, est de gagner en Europe, le plus d'argent possible pour pouvoir l’expédier vers son frère, Jamal, qui est malade.
  • Jamal est donc son frère, celui-ci est fortement malade et voit déjà la mort arriver, c'est pour cette raison qu'il ne pourra pas effectuer le chemin vers l'Europe avec son frère. Cependant, Jamal sera une force pour ce dernier, un espoir, un pilier.
  • Nous faisons ensuite la rencontre de Boubakar. Boubakar est un petit homme de trente-cinq ans, boitant de la jambe gauche, lui aussi est à la recherche de son Eldorado. Il attend par ailleurs d'aller vers lui depuis sept ans, en enchainant essais et échecs afin d'y parvenir. Jusqu'au jour où il rencontra Soleiman et deviendra son camarade, c'est seulement ensemble que les deux hommes vont parvenir à leurs rêves : l'Eldorado. 
  • Par la suite arrive la Reine d'Al-Zuwarah. Cette femme est décrite comme très grosse, avide de pouvoir et de richesse. Elle est la passeuse la plus puissante de la région et ne fait que de se vanter de ce pouvoir.
  • Nous rencontrons également d'autres personnages, secondaires et pour peu de temps, notamment des hommes clandestins.

 Voilà pour les personnages que nous rencontrons au fil de l'histoire. Je vais maintenant vous parler de l'histoire.

Le roman s'étend sur plusieurs mois, et se déroule entre terre et mer, en Italie, au Moyen-Orient, en Afrique...

Comme cité plus haut, nous faisons premièrement la rencontre du commandant Salvatore Piracci, qui est depuis trois ans le commandant de la frégate Zeffiro, un navire des gardes-côtes italiens basé à Catane. Ce dernier est chargé de surveiller les embarcations qui emmènent illégalement des immigrés clandestins sur l’île de Lampedusa. De là nous découvrons l’horreur de ces traversées, où beaucoup trop d’hommes meurent, en mer, dépouillés, à une frontière en tentant de la franchir, voire même de désespoir.

Un jour, dans les rues de Catane, Piracci fera la rencontre de « l’ombre de Catane » qui s’avéra être une femme. Femme que le commandant avait sauvée des années auparavant. On nommera cette femme comme « la femme du Vittoria ». Celle-ci se rendit chez lui afin de lui parler, dès lors elle lui racontera sa traversée, la perte de son bébé, mort de soif qu’on lui a arraché pour le jeter en mer…au fil de la discussion la femme du Vittoria en arrive àciter la raison de sa venue vers le commandant. En effet, elle n’a plus d’envie ni de crainte, son seul espoir, sa seule envie afin de vivre bonnement et de se venger de l’homme qui est le chef des passeurs, l’homme qui est le responsable de la mort de son bébé, l’homme qui est responsable de son malheur. Elle demandera une arme au commandant afin de retourner au Proche-Orient et tuer le responsable qu’elle a identifié après de nombreuses recherches. Piracci se posa alors beaucoup de questions, puis par la force, la détermination et l’envie qu’avait cette femme dans les yeux, se laissa convaincre.

Une nuit de tempête, alors que le commandant Piracci discutait avec son ami Angelo, on vient l’appeler pour cause d’embarcations proches, alors que la mer est déchainée. Malgré y avoir mis toute sa volonté, le commandant ne parviendra qu’à retrouver trois embarcations. Il est pris de colère de ne pas être parvenu à récupérer toutes les embarcations car il sait ce que deviendront celles qui n’ont pas été retrouvées. C’est alors qu’un des rescapés de ces embarcations vient le voir dans sa cabine, cet échange troublera beaucoup le commandant. En effet le rescapé lui propose de le cacher pour de l’argent. Piracci refuse de cacher cet homme et le livrera aux autorités italiennes comme prévu. Regrettant fortement et après un conflit avec un commandant libyen, Piracci décida de tout quitter, de tout laisser, de prendre sa barque de pêcheurs, et partir pour l’Afrique du Nord, sur le chemin inverse des immigrés.

Parallèlement, nous faisons la rencontre de deux frères très unis, Soleiman et Jamal, qui sont tous-deux soudanais. Ces derniers se dirigent vers la Libye pour tenter de s’établir en Europe. Seulement une fois la frontière libyenne passée, Jamal exprime à son frère le fait qu’il ne pourra pas continuer la traversée avec lui, qu’il s’arrête là pour cause de sa maladie qui finira par le ronger. Jamal lui explique qui l’a accompagné jusqu’à maintenant simplement pour être sûr que celui-ci se rendrait en Europe, et pour se prouver à lui-même qu’il est capable de passer une frontière avant de mourir. Soleiman effectuera donc le chemin seul, ayant pour seul force la pensée pour son frère. En gardant toujours pour objectif de récolter assez d’argent en Europe pour sauver son frère de la maladie. Soleiman continue donc le chemin qui était prévu, jusqu’à l’instant où tout le groupe qui était destiné à émigrer se fait dépouiller, taper, et abandonner sur la route, au milieu de nulle part, par les passeurs. Soleiman a résisté et ne se retrouve que légèrement blessé.
Sur ce lieu, il fera la rencontre de Boubakar, un Malien qui est sur la route du Nord depuis sept ans. Celui-ci deviendra une sorte de « père de la traversée » pour Soleiman, il lui expliquera qu’il n’est plus possible de faire confiance aux Libyens qui sont désormais en accord avec l’Italie pour bloquer l’immigration. Il lui indique donc son « plan » afin de rencontrer enfin l’Europe après sept années d'essais : il faudra se rendre au Maroc, à Ceuta, qui est une enclave espagnole autonome sur le continent nord-africain. Dès-lors ils feront route ensemble, en unissant leurs forces, pour atteindre le Maroc, en passant par Ghardaïa.

Du côté de Salvatore Piracci, celui-ci est arrivé en Afrique, où il rencontra la « reine », la « chef » des passeurs, celle-ci lui proposa de travailler pour elle, elle l’attire avec deux grosses liasses d’argent, cela dégoute Piracci qui repense à la femme du Vittoria ayant perdu son enfant pour cause de la trahison des passeurs. Il décide donc de prendre la route vers Ghardaïa, pour fuir à la grosse dame. Pris de non-volonté, de lassitude de vivre, pris par l’envie de son esprit de mourir, il tente de s’immoler par le feu, mais n’y parvient pas, par manque d’allumette.

C’est alors qu’à Ghardaïa, il rencontre Soleiman. Soleiman le prend pour Massambalo qui est une divinité veillant sur les voyageurs émigrants en leur portant chance et courage. Piracci voyant dans le regard de Soleiman quelque chose de précieux, se prête au jeu en se faisant passer pour Massambalo. Soleiman qui avait perdu toute force et envie se voit retrouver toute sa conviction de réussir après cette rencontre, à tel point qu’il offre à Salvator Piracci le collier que lui avait donné son frère, Jamal. Piracci, conscient de l’espoir qu’il a fait naître dans les yeux de Soleiman, se demande si son rôle, le rôle de son être n’est pas de transmettre « la fièvre de l’Eldorado ». Cela lui fit à lui-même retrouver sa force et son envie de vivre. Toutefois et par la malchance la plus absolue, en marchant sur le bord d’une route, il se fait heurter par un camion d’immigrants, et meurt en ayant bonne conscience puisque lui a trouvé son Eldorado : donné espoir aux immigrés.
 
Lorsque Soleiman et Boubakar arrivent à Ceuta, une difficulté qui n’est pas des moindres s’oppose à eux. En effet, ils font face à la barrière de Ceuta, qui est une double rangée de barbelés qui empêchent totalement de parvenir au territoire espagnol. Ils vont donc devoir attendre des jours sous pression dans la forêt puisque les autorités marocaines font très attention, armes en mains, à ces masses d’immigrés. C’est alors que le signal est donné, et d’un coup cette masse se réveille, se met à courir le plus vite possible en ne pensant qu’à leur passage, qu’à leur Eldorado, s’écrasant les uns contre les autres, ils courent, jusqu’à la barrière où ils escaladent des échelles qu’ils ont construites auparavant, une fois ces échelles montées, ils savent que leur Eldorado est atteint. Soleiman et Boubakar sont de ceux-là. Lors de l’assaut, en s’entraidant, ils sont parvenus à faire partie des rares personnes ayant atteint leur objectif : passer la si douloureuse frontière, atteindre leur nouvelle vie, atteindre leur rêve, atteindre l’Eldorado.