dimanche 8 novembre 2015

Éloge de l'oisiveté de Sénèque.

Auteur : Sénèque
Édition établie et postfacée par : Cyril Morana
Revue et annotée par : Cyril Morana
Traduction du latin par : Joseph Baillard
Éditeur : Mille et une Nuits
Collection : La petite collection
Prix : 3.00€


Il est je pense indispensable dans notre ère actuelle de lire cette Éloge de l’oisiveté de Sénèque. 

 Dans notre société, le travail est fondamental. Il consiste aujourd'hui à une production en puissance pour toujours plus de consommation. Le travail est donc une valeur centrale de notre chère société.

Sénèque nous faire l’éloge de l’oisiveté, qui par définition est « l’état d’une personne qui n’a pas d’activité laborieuse », « laborieuse » se rapporte comme synonyme de « travail ».

  Les époques et les contextes sociaux ont poussé cette définition à changer, ont peu l’associer à la paresse ou alors le loisir. Sénèque voit ici l’oisiveté comme loisirs. Le travail n’étant plus qu’actuellement une nécessité à posséder le nécessaire vital. 
Cependant, le travail était autrefois, à l’ère des Romains, défini par negotium, une source de dégradation de la nature humaine. 

Les Romains privilégiaient les activités sociales et citoyennes, le travail était réservé aux esclaves qui avaient besoin de lui pour comme dit précédemment, une nécessité vitale à la survie économique.
En revanche, les hommes libres, eux, étaient oisifs, ils étaient consacrés aux valeurs exclusivement humaines, où le travail et la consommation ne devaient être présents, c’est-à-dire : la vie publique, les sciences, les arts, les échanges humains, et tout ce qui était bon pour eux. « Le refus de l’activisme civique » était alors une valeur très importante pour parvenir au bonheur.

L’otium est donc passé de définition en définition, passant par le divertissement, le délassement, la paresse, l’oisiveté... 
Actuellement, je pense que le travail à longue durée, s’il n’est pas loisir n’est qu’activité déshumanisante.

Sénèque, avec une merveilleuse argumentation en fait un éloge splendide, en définissant l’oisiveté comme un refus des activités matérielles, mais comme une indispensable activité de l’esprit essentiel au bonheur de l’humain. Le bonheur y est donc abordé, l’homme heureux n’est pas oisif au sens de la passivité et de l’ignorance, mais il est celui qui cultive son esprit, qui contemple la nature et le monde, pour en saisir une vérité qui l’éloignerait de l’asservissement et de l’ignorance. Sénèque prône la contemplation intellectuelle car la contemplation implique l’action. Le philosophe critique l’excès d’activité qui tue le bonheur. Il y dénonce également les plaisirs de l’homme qui sont bien souvent que des désirs matériels, on peut également retrouver cette critique des désirs matériels dans L'Attitude à prendre envers les tyrans d'Épictète, ces désirs matériels étant l’avarice, l’instabilité de l’âme, le désir de plaire, la recherche de jouissances ou encore l’inertie.
Sénèque fait également l’éloge de la retraite qui est pour lui, « le retour à soi-même et à l’étude de la nature pour mieux se comprendre et le monde avec soi », où l’homme peut faire le bilan de son existence gâchée et gaspillée par les biens matériels et de la fortune qui ont été surévalues jusqu’à ce qu’on en dépende.

L’édition Mille et une Nuits offre cinq lettres à Lucilius sur l’otium, cela apporte encore plus du jugement de Sénèque. La première : « Quitter les hauts emplois pour le repos », qui est normalement la lettre dix-neuf, illustre parfaitement la définition de l’otium. 

C’est un délice de lire Sénèque, puisque actuellement nos politiques, notre société, nous pousse toujours plus au travail « Travailler plus pour gagner plus », sans prendre en compte la valeur de l’oisiveté, que l’on oublie, on oublie notre côté humain pour devenir des machines à travailler et à produire. Vive la capitalisation n’est-ce pas ? Voyez-vous, aux États-Unis, le plein-emploi a fait son retour, cette semaine. Je trouve ça bien triste. Il ne faut en aucun cas qu’une société dépende du travail, sinon, ses citoyens ne seront guère heureux, puisqu’il leur manquera le loisir. Or le loisir peut être un sincère recul philosophique et méditatif, mélioratif à l’humain.

Les cinq Lettres à Lucilius sur l’otium sont suivies d’une merveilleuse sorte de “remarque“ intitulée « Travailler à ne rien faire ? » par Cyril Morana.
Celui-ci continue à démontrer l’oisiveté en y ajoutant notre condition sociale actuelle, tout d’abord il explique pourquoi « l’oisif ne jouit plus aujourd’hui de l’estime de ses contemporains », il y dit, comme je l’ai dit précédemment que « c’est que le temps a considérablement transformé notre acceptation du loisir et de l’oisiveté ». En effet, il n’est plus esprit libre, profond et méditatif, mais juste parasite. 



Je vous conseille de lire également l'Éloge de l'oisiveté de Bertrand Russell qui :


« Derrière l'humour et l'apparente légèreté du (son) propos se cache une réflexion de nature à la fois philosophique et politique qui s'exprime avec une ironie mordante : "Il existe deux sortes de travail : le premier consiste à déplacer une certaine dose de matière à la surface de la terre ; le second à dire à quelqu'un d'autre de le faire" »










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